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Le journal de mamie Paulette : 5 août 1942

sommaire du journal

Marolles – Le Mans = 34 km     Total = 253 km

Levées à 7h nous faisons notre toilette, notre correspondance et Jeannine fait ses comptes.

Nous sortons de notre chambre. Personne en bas. Seuls, sur la table de la cuisine, trônent 2 morceaux de poitrine de porc faisant bien 4 kg de viande. Il faut être bien honnête pour partir en les ayant seulement regardés.

Chez Mme Jarry le petit-déjeuner nous attend. Sur la table un bol plein de beurre voisine avec le pain. Mme Jarry a déjà commencé : soupe d’hier, oeuf sur le plat, 2 tartines de beurre, pain et fromage, cidre, puis café au lait avec pain et beurre – cigarette.

Mme Jarry se contente d’une soupe et d’un café au lait. Ce même café au lait nous est servi dans 2 grands déjeuners ; le pain et le beurre nous sont offerts. Si nous étions seules, nous mangerions bien le bol de beurre!..

Puis nous nettoyons nos vélos, nous mettons en tenue de départ et ce n’est qu’à 10h moins 20 que nous quittons Marolles. Pour arriver au Mans déjeuner, il faut nous presser. Nous forçons si bien l’allure que nous entrons au Mans à 11h 1/4. Nous trouvons un restaurant catégorie C.

Salade de tomates / lapin sauté aux champignons / purée Mousseline / prune / et vin d’Anjou (une vraie folie !)

Nos vélos sont dans un garage jusqu’à 2 heures et à 2h1/2 nous avons terminé notre repas. C’est en petite tenue que nous cherchons un hôtel. Nous en arrêtons un près de la gare, puis repartons à nos vélos.
Le Mans qui était vide à l’heure du déjeuner se remplit de monde et nous devons attendre nos bicyclettes. Revenues avec à l’hôtel, comme à l’habitude nous faisons toilette pour visiter la ville.

Marchant vers la cathédrale, nous passons devant les Dames de France, quand une vieille dame nous arrête, nous donne de l’argent pour lui acheter des bocaux à conserve – car on n’en vend que 2 à chaque personne. Nous partons faire cet achat, Jeannine admirant la confiance de cette brave femme que nous pourrions aisément délester des 35F qu’elle nous a confiés en sortant par un autre bout du magasin. Nos bocaux achetés, nous l’aidons à les porter jusqu’à chez elle et gardons les v5F qu’elle nous avait donnés en trop et qu’elle n’a pas voulu nous reprendre. En même temps elle nous a indiqué les principales choses à voir dans la ville :
Eglise Notre-Dame de la Couture, claire comme toutes les églises que nous voyons, lourde, une partie près du grand portail curieusement décorée par des peintures.
Puis la cathédrale, décevante elle aussi avec cet éclairage, dont la blancheur est accentuée par le grattage des colonnes et des plafonds (l’évêque du Mans doit aimer la propreté !) Nous admirons la hauteur des voûtes, les orgues et un St-Pierre de bois mangé aux vers.

Puis c’est la pendule de fleurs, le grand tunnel d’où nous surplombons la Sarthe et au bas duquel nous voyons le pont en X tant cherché !… Enfin nous nous égarons dans le vieux Mans, passant même le nez dans des cours malpropres où des gosses piétinent nus-pieds sans souci des ordures, des odeurs et du manque d’air. Quartier pittoresque mais insalubre !

Puis c’est la course au boulanger. Si à Rémalard ils sont feriés du mardi au jeudi + le dimanche, au Mans la ville est séparée en quartiers, et inévitablement nous avons débarqué dans le quartier privé de pain aujourd’hui. Il nous faut retourner assez loin pour en trouver.

De retour sur la place de la République, nous voyons deux soldats français avancer à toute allure. Puis, entrées dans notre rue, qui est celle de la gare, nous en voyons en quantité, de tous les régiments, de tous les grades, de toutes les classes … Le train qui vient d’arriver les a tous débarqués ici. Tout le monde les regarde et nous comme les autres.

L’un d’eux nous demande un restaurant et nous sommes fières de pouvoir le renseigner à peu près d’autant plus que ce n’est pas un simple troufion.
Les cafés en sont remplis, les hôtels aussi : il n’y a plus de chambres de libres. Ce soir notre restaurant en est plein, ce qui ne l’empêche pas d’être très silencieux.
C’est sur cette remarque que cette journée se termine.

Temps : agréable
Santé : excellente

Omission : au restaurant nous étions assises près de deux dames qui mangeaient peu de pain. Ayant donné chacune 100g, elles n’en mangèrent que 50 et laissèrent leur 2ème tartine dans la panière en s’en allant. Nous avions fini notre repas mais regardions avec envie ce pain payé tant en argent qu’en ticket … et nous l’avons emporté !..

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