Bergerac – Lalinde – Sauve-Boeuf – Pézuls – La Bugue = 69 km total = 386
Nous quittons Bergerac sous un ciel clair, mais, dès que nous atteignons les rives de la Dordogne, un brouillard très épais s’étend dans la vallée et s’accroche à tous les coteaux. Une épaisse fumée contribue à le retenir. Elle nous pique les yeux : c’est celle d’une immense usine qui s’étend certainement sur plus d’1 km : la poudrerie nationale de Bergerac.
Quel plaisir de l’abandonner pour l’institut des tabacs, espèce de jardin des plantes uniquement consacré à de multiples races de tabac : des petits et des grands, des rouges et des blancs.
Ils embaument la route, et les plus belles fleurs sont abritées des croisements en étant couverts de papier de soie.
S’étendant hors de la ville et le long de notre route, de multiples baraquements s’alignent. Des enfants blonds s’y promènent. C’est assez remarquable pour que nous supposions la réalité : ce sont les réfugiés lorrains et les réfugiés du Nord qui ont trouvé ici des maisons et des jardins. Cela n’est pas mal du tout.
Les petits villages que nous traversons lentement sont coquets. A La Tuilière, nous nous arrêtons voir le barrage sur la Dordogne. La vue vaut la peine du crochet, et nous profitons de la solitude et du charmant paysage pour dévorer pain et noix. Partout des restaurants sillonnent notre route aussi nous sommes pleines d’espoir pour déjeuner.
Pourtant à Lalinde où nous pensions nous arrêter il nous est impossible de trouver à déjeuner, et encore moins à coucher. Il n’est pas tard et nous continuons notre route. Mais Sauve-Boeuf n’est qu’un trou. Pour comble, le paysage jusque là verdoyant change d’aspect. Il y a bien toujours des coteaux, donc des montées et des descentes, mais les points de vue ne s’étendent que sur des vallons pelés, crayeux et sauvages.
Nous ne désespérons pourtant pas et continuons sur Les Pézuls. Là encore un véritable trou. Il est midi et il n’y a qu’un café. Nous déjeunons donc sur l’herbe de pain, de pommes et de noix et allons prendre un verre au café.
En sortant, Jeannine ne pense pas à resserrer la ficelle qui tient nos maillots de bain sur son porte-bagage et nous reprenons la route : montées, descentes.
Arrêt près du seul endroit agréable : une maison au bord d’une mare dans laquelle barbotent de nombreux canards ; un petit mur qui surplombe et sur lequel nous prenons place, d’énormes tilleuls aux troncs magnifiques font une superbe voûte fraîche et verte.
Puis la route reprend montant sans cesse et doucement pendant plusieurs kilomètres. Nous poussons lentement nos véhicules. Mais un camion arrive très doucement : on nous dit de nous accrocher et de nous laisser tirer. Pour la première fois de notre vie nous essayons, et ma foi, cela va bien. Pourtant, à un virage, j’entends un bruit de chute et je retrouve Jeannine par terre. Elle se relève vite et nous rattrapons le camion ne le lâchant définitivement que lorsque la route descend et que la vitesse s’accélère.
Puis c’est une merveilleuse descente pendant laquelle je me trouve loin en avant, si loin que, contrairement à l’habitude, j’attends Jeannine. L’inquiétude me prend. Tout à l’heure ,j’ai vu bander sa main qui saignait très fort. Voici maintenant qu’une auto débouche, et toujours pas de Jeannine ! Je remonte la côte et l’aperçois loin dans un tournant, qui retourne elle aussi sur ses pas. Plus de doute, nous avons perdu quelque chose. Ce sont nos maillots !
Nous retournons en plein soleil jusqu’à Pézuls, puis remontons à pied cette fois jusqu’au Bugue où nous étions presque arrivées tout à l’heure. L’eau nous sort de partout et nous ne retrouvons rien. Il est 5h et la route et le soleil chauffent.
La série de nos malheurs est pourtant close aujourd’hui. Nous avons vite une chambre (chez le meilleur cuistot de la ville), le pharmacien d’en face nettoie la main de Jeannine, nous allons à la mairie et au commissariat déclarer notre perte et nous nous remettons devant un bon dîner :
bouillon gras aux légumes / gigot froid / pommes de terre sautées graisse d’oie (2 fois) / salade / compote
Après le dîner nous bavardons avec les gens d’une table voisine et trouvons une alsacienne qui travaille au bureau rue des Maraîchers.
Il fait très chaud, même au lit
Aujourd’hui, récolte d’une feuille de tabac.
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