Préparation au BRA – Gestion logique de l’entrainement

Les victoires sur soi-même sont les seules dont chacun connaisse l’exacte difficulté.

  Par le Dr Michel COSTANTINI – Médecin du Sport

Vous trouverez, dans cet article

  • les données théoriques d’une bonne préparation sportive
  • les conseils sur le volume et la technologie de l’entrainement
  • les pièges : la dépendance à l’effort, la fatigue et le surentraînement
  • les informations sur la spécificité de la pratique du cyclotourisme en montagne dans le BRA
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Quelques pré-requis :

Une cyclo-montagnarde comme Le Brevet de Randonneur des Alpes est une épreuve de fond enchaînant classiquement 5 cols mythiques des Alpes françaises. (De l’ordre de 257 Km et 4647 mètres de dénivelé positif dans une de ses classiques).

 

  • La machine humaine :

Les contraintes cardio-vasculaires sont donc importantes et un examen médical s’impose en début de saison. (Voir l’article sur l’aptitude)

Une épreuve d’effort maximale pour les hommes de plus de 40 ans (50 ans pour les femmes) est conseillée si cette exploration n’a jamais été prescrite auparavant.

 

  • La machine à roues

Bien qu’aucune technologie, fut-elle la plus avancée, ne peut remplacer les trois ingrédients indispensables à votre réussite : votre talent sportif, votre intelligence et les longues heures d’entraînement…, il vous faudra un bon vélo, réglé à votre taille.

Un état de fatigue sanctionne systématiquement ceux qui montent avec des développements mal adaptés. (Même si les professionnels passent partout ou presque avec un 42 x 24…)

N’hésitez pas à mettre votre plus petit braquet dés le premier col si le pourcentage l’exige. La montée de l’Alpes d’Huez ou la rampe des Commères après Bourg d’Oisans vous rappelleront le proverbe cyclo :”On a toujours besoin de plus petit qu’on a”.

Chez nous, les braquets de l’ordre du “tour de roue” (26 x 26 ou 28 x 28 ) n’ont rien de ridicule et les cyclistes redevenus piétons dans les derniers cols se recrutent essentiellement chez les adeptes du double plateau.

Ne craignez pas d’être lent, craignez seulement d’être à l’arrêt.

 

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Données théoriques d’une bonne préparation sportive

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____D’un point de vue énergétique,

Le cyclotourisme appartient aux sports les plus gourmands. Si une allure de promenade sur terrain plat et sans vent consomme 200 calories par heure, une montée de col (et là, il y en a cinq dans le BRA) réclame parfois jusqu’à 800 calories par heure. On peut dépenser jusqu’à 6000 calories dans la journée, deux à trois fois plus qu’en période d’entraînement. ( par commodité on parle généralement de calories alors qu’il s’agit en fait de kilocalories : kcal ).

D’où l’intérêt de gérer les apports alimentaires au cours de cette belle randonnée :

Arrêtez vous aux ravitaillements, mangez et buvez tout le long du parcours. Profitez-en pour prendre des photos et remercier les bénévoles du club…

____D’un point de vue biologique,

les épreuves de fond nécessitent un entraînement destiné à économiser le carburant musculaire le plus sensible, à savoir les sucres : le glycogène (forme de stockage) qui se décompose en glucose directement utilisé par les cellules musculaires. C’est, en effet, l’épuisement des stocks de glycogène musculaire qui est directement responsable de l’épuisement tout court.

Une préparation bien menée doit atteindre deux objectifs :

Faire le plein de glycogène musculaire avant le départ. (Voir la préparation diététique et le régime hyperglucidique)

Utiliser les graisses pour fournir de l’énergie au cours de la randonnée de manière à économiser le glycogène. C’est le but de l’entraînement mais également de la gestion de l’effort pendant l’épreuve.

Les graisses directement utilisables par le muscle à la place du sucre sont les acides gras provenant de la dégradation des triglycérides de stockage. Pour le même poids (la graisse est plus légère que l’eau), les graisses produisent 4 fois plus d’énergie, c’est un carburant léger, économique et puissant.

Les réserves de triglycérides sont toujours suffisantes même chez les sujets maigres qui possèdent toujours assez de graisse à l’intérieur de l’abdomen et sous la peau …

Ce qui va faire la différence entre un bon cyclotouriste et un petit promeneur, c’est la capacité à extraire les acides gras de ses réserves, de pouvoir les utiliser rapidement et de les brûler à la place des sucres dés le premier quart d’heure et pendant presque toute la durée de la randonnée. Ici, l’entraînement prend toute sa valeur.

Par contre la mobilisation des acides gras est inhibée par l’augmentation de l’acide lactique dans le sang d’où l’importance de maîtriser la production de ce déchet de l’effort grâce à un exercice de très longue durée en dessous de la zone transitionnelle (apparition et augmentation de l’essoufflement) avec faible variation d’allure.  (Voir l’article : gestion de l’effort) 

 

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Les conseils sur le volume et la technologie de l’entrainement

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Le volume et l’intensité d’entraînement :

L’entraînement vise à améliorer la puissance du muscle et son endurance, sa capacité à effectuer des exercices de longue durée. En d’autres termes, il consiste à reculer les limites de la fatigue et à faciliter la récupération.

Pratiquer un sport dans l’objectif d’améliorer sa santé en augmentant ses capacités physiologiques d’endurance et de puissance c’est :

C’est 2 à 3 séances hebdomadaires, 30 à 45 minutes par séance à l’intensité de 50 à 70 % de la fréquence cardiaque maximale déterminée après évaluation individuelle initiale et contrôlée au cardiofréquencemètre. (Voir comment l’utiliser)

 

Pour une cyclo-montagnarde, il est classique de dire que 3000 km parcourus par étapes successives de 70, puis 100 puis 150 et 200 km constituent une préparation correcte en début de saison.

On commencera, bien sûr, par 800 à 1000 km effectués sur le plat et faux plat avant de monter les cols du plus facile au plus dur.

Les dernières sorties permettront de tester votre endurance, votre adaptation en cherchant à monter deux cols difficiles dans la journée sur 200 km.

Vous l’avez compris, ce n’est pas le nombre de kilomètres qui compte mais bien le temps que vous avez passé sur la selle à un niveau de travail musculaire suffisant.

Attention, il vous faudra découvrir le volume d’entraînement hebdomadaire que vous êtes capable de supporter sans fatigue.

 

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Chaque sortie pourra se dérouler de la manière suivante :

 

  • Échauffement : Mise en train sur le vélo sans essoufflement (rythme à 120 battements / minute) jusqu’au début d’une légère transpiration. (10 à 20 minutes)

 

  • Contenu de séance :
  • Exercice en endurance de 30 à 45 minutes. (Jamais trop fort : pas de recherche de performance, éviter de dépasser l’essoufflement une fois lancé, on peut encore faire des phrases…).
  • Amélioration de la puissance. (Exercices courts de 30 secondes à 1 minute avec un essoufflement modéré, (on peut encore faire des phrases courtes…) série de 3 ou 4 accélérations et deux à trois séries dans une sortie)
  • Exercice en endurance. (Idem début )

 

  • Retour au calme : La fin de l’activité sera douce, sur les deux derniers kilomètres de l’itinéraire pour ne pas stopper brutalement tous les mécanismes d’adaptation à l’effort et faciliter sans dommage l’élimination des déchets de l’activité musculaire et le retour à l’état de repos. Pédaler en « moulinant » pour ramener le rythme cardiaque à 120 – 130 / mn pendant 10 à 15 minutes.

 

  • Récupération : Étirements – Boire immédiatement après l’effort – S’alimenter- Se doucher- Se faire masser ou se masser – Repos. (Voir l’article)

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Les plus :

  • Jamais d’arrêt complet et prolongé de l’entrainement (même de 15 jours) sauf pour maladie ou accident, comme un arrêt de travail prescrit par votre médecin. On ne fait pas de sport avec de la fièvre, ou dans les 8 jours qui suivent une infection …Et toujours une reprise progressive une fois passée la convalescence.
  • Toujours un complément ou une activité équivalente en période de « relâche du guidon » ou quand il fait trop chaud ou trop froid : vélo d’intérieur, natation, marche rapide, raquettes, ski de fond.
  • Terminer tout exercice par des étirements, (voir l’article) qui restituent l’élasticité des muscles (la souplesse) et diminuent les contraintes articulaires.

 

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La dépendance à l’effort, la fatigue et le surentraînement   

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Dans les grands raids (plus de 5 à 6 h consécutives de vélo par jours et sur plusieurs jours), en dehors des soucis de frottement sur la selle, les problèmes à gérer sont surtout d’ordre psychologique.

En effet, l’effort physique entraîne la sécrétion d’endorphines, ces substances qui donnent une impression de plaisir et un effet antalgique.

Il apparaît alors une dépendance à l’effort, véritable addiction à l’exercice au-delà de 11 à 12 h d’activité par semaine. Elle se traduit par le désir d’en faire toujours plus et l’apparition d’une sorte de syndrome de sevrage à l’arrêt de l’activité. Rien de grave puisqu’il vaut mieux rouler que fumer…. Mais il est bon de savoir qu’un manque peut exister ensuite.

Le danger vient plutôt de la non-perception des signaux d’alerte qui peuvent précéder une blessure ou des problèmes cardiaques.

Autant de raisons pour tous les amateurs d’efforts prolongés, souvent d’âge mûr, de respecter un véritable suivi médical. En particulier après l’âge de 35 ans pour les hommes et de 45 ans pour les femmes. Dans tous les cas, ces pratiques nécessitent des entraînements réguliers et progressifs ainsi qu’une alimentation et une hydratation rigoureuses.

On demande même à leurs adeptes de contrôler en permanence leur propre état physique et psychologique. Bref, savoir se surveiller, en particulier en fin de saison.

Le phénomène de surentraînement est dû à la pratique excessive, qui s’accompagne d’une baisse sensible des performances, d’un état de dépression et d’une sensibilité accrue aux infections. Par contre l’exercice bien réglé et suivi se traduit par une amélioration des défenses immunitaires.

On le voit apparaître lorsque les phases d’exercices sont trop longues et, surtout, quand le temps de récupération est trop court entre chaque séance et ce, malgré des besoins alimentaires largement couverts et bien surveillés. Il existe des lésions du tissu musculaire tant squelettique que cardiaque.

Une des explications est donnée par la production des radicaux libres ou « oxydants » mais ce syndrome est encore mal connu.

Il exige une consultation spécifique pour évaluer son importance et un traitement par le repos en l’absence d’autres causes.

Ces conditions de survenue sont toutes réalisées au cours des séjours à forts kilométrages et à forts dénivelés, sur plusieurs jours consécutifs. (Paris Brest Paris, Paris Pékin, séjours intensifs en montagne, diagonales, etc.)

 

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Les informations sur la spécificité de la pratique du cyclotourisme en montagne dans le BRA

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La montagne souffle le chaud et le froid, le soleil réchauffe un coté du visage pendant que la bise mord de l’autre coté…

C’est un début pour les cosmonautes…

La montagne se caractérise, en dehors de sa verticalité, par une douzaine de paramètres qui en font un milieu unique où l’homme ne vit que grâce à une adaptation constante.

Les paramètres potentiellement dangereux

  • La baisse de pression atmosphérique et donc de la pression partielle en oxygène, à l’origine de tous les maux d’altitude :

De 100 % au niveau de la mer, elle passe à 78 % à 2000 m d’altitude (Alpes d’Huez, Sarennes, Col de la Croix de Fer, Lautaret) et 70 % au col du Galibier, (2645 mètres d’altitude) ce qui explique bien des défaillances et bien des essoufflements à l’approche des sommets. Donc allure raisonnable, modeste braquet…

Le danger existe pour les coronaires, alors pas d’imprudence et n’hésitez pas, si vous n’avancez plus ou si malaise, à appeler les secours , ils sont là pour ça. Pour en savoir plus ici.

Un infarctus du myocarde doit idéalement arriver en salle d’exploration vasculaire avant 90 minutes +++  (*) (Voir la conduite à tenir)

Pas de panique, vous avez de la chance, à Grenoble il y a l’hélico et de bons services de cardiologie interventionnelle….

 

  • La baisse de la température de 1° par 150 mètres ou encore 6° par 1000 mètres :

Ce qui signifie pour 20° à Bourg d’Oisans, (719m) 11° à l’Alpes d’Huez et 7° au col du Galibier s’il n’y a pas de vent, ce qui est exceptionnel.

Car tout bascule s’il souffle : il augmente le refroidissement de façon significative dés qu’il atteint 7 Km / h, ce qui correspond à la vitesse d’un homme au pas. Alors vous qui êtes en vélo et en descente … à 40 Km /h ou plus, de 7° on passe largement en dessous de 0°, d’autant que vous êtes couvert de sueur !

 

  • Les variations météorologiques brutales :

Les anciens du club CTG vous dirons que le BRA a du être annulé lorsqu’il neigeait au Galibier, en plein mois de juillet.

N’oubliez pas la petite laine, les chaussettes, gants et bonnet, on ne sait jamais…si la météo est incertaine.

Il n’y a pas eu de foudroyé jusqu’à ce jour, au cours du BRA, mais sachez que la foudre tue 30 personnes par an en montagne, dans notre pays.

 

  • La baisse du degré hygrométrique et la chaleur :

L’été, quand il ne neige pas au Galibier (c’est une boutade) , il peut par contre faire très chaud. L’humidité diminue avec l’altitude encore plus vite que la température et cela ne saurait tuer si l’on s’hydrate. L’erreur serait d’attendre la soif. (Voir l’hydratation)

 

  • Le rayonnement ultra violet :

Il est multiplié par deux entre 3000 et 4000 m et vous verrez certainement de la neige sur les bords de route au Galibier.

De bonnes lunettes de soleil vous protégeront de l’uvéite, des éblouissements, poussières et autre insecte…

 

Et pour finir en beauté, un paramètre agréable : L’électricité atmosphérique.

Les variations de champs électriques et la présence des ions négatifs expliquent la sensation de bien-être qu’on éprouve en montagne.

L’altitude est le royaume des espaces infinis, de l’épanouissement sensoriel et à ce titre le meilleur remède contre le stress.

 

Dr Michel COSTANTINI

Médecin du Sport.

Moniteur FFCT route et VTT

Délégué Sécurité du club “Les Cyclotouristes Grenoblois”

 

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Références :

(*)  https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/infarctus_myocarde_medecin.pdf

https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/infarctus_myocarde_patient.pdf

Les ultrafondus de l’effort  LE MONDE | 26.10.06.

Approche hormonale et nutritionnelle de l’exercice chez les seniors. Dr M. GUINOT. Vieillissement et fonction respiratoire. Dr B. WUYAM. Activité physique chez le senior. Société Dauphiné Savoie de Médecine du Sport.16 novembre 2002.

Les signes cardiovasculaires du surentrainement  –  F. Carré –  Explorations Fonctionnelles, Unité Biologie et médecine du Sport, Hôpital Pontchaillou-Université Rennes 1, Rennes – http://www.clubcardiosport.com

 

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